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Automne enivrant

20 Novembre 2009 , Rédigé par Manon Publié dans #Balades

Maintenant que mon lopin de terre est en sécurité quelque part dans la campagne Lyonnaise, je ne crains plus l'érosion. Mais un vide se fait sentir, comme un trou béant qui me donne un apétit sans fond.. que je comble insatiablement par de la nourriture. Quand la faim est trop forte, je sais alors que ce n'est pas de cette nourriture dont mon esprit à besoin. Ma terre m'appelle, mes racines m'attirent. Il est temps. Je vais aller cultiver mon jardin. Je saute dans ma voiture en passant par mon pantalon de cheval et c'est partit, direction les 7 chemins. Est-ce une coïncidence que le lieu dit où habite Patrice soit "les 7 chemins" ? Je pourrais plutôt parler de 7 roues sur lesquelles mon âme ondule, de 7 chakras qui dévoilent leurs pétales et par lesquels j'entrevois les éléments. Fusionnant avec la solidité de Ponette, j'ai impregné mon corps de la terre, et j'ai ressenti la peur. Sa peur, son instinct de survie. Vais-je découvrir 2 pétales de plus aujourd'hui ?
J'arrive à la ferme, Patrice attend dans la cour, sur le dos de... Ponette !
"Bonjour, t'as qu'a prendre l'apaloos' dans le box, elle est sympa, tu fais la balade, tu connais maintenant". Sa capacité à condenser les informations en un minimum de mots m'impressionera toujours! Je vais voir dans le box et découvre une jolie jument blanche, tachetée de noir, comme les copies aspergées d'encre après l'agitation rageuse du stylo plume qui n'écrit pas. Une impression de lourdeur se dégage de cet animal. Le vent du nord souffle sur elle sans soulever un seul de ses crins. Le magnétisme la plaque au noyau terrestre. Mes racines sont là, l'aimant a retouvé son pôle. Je prépare la jument. Je sais que c'est une femelle et je me surpend à la considérer comme si c'était un hongre. Peut-être est-ce en rapport avec cette robe originale que je n'avais auparavant vu que sur un mâle. Harnachement, casque, nous sortons dans la cour. Je me hisse sur son dos et ... la voilà partie au trot ! Je reconnais bien l'éducation spéciale Patrice que je vais d'ailleurs baptiser "faut qu'ça y'emmène"! Retour au pas, direction la forêt. Je suis seule, je peux donc ménager ma monture, qui marche d'ailleurs étrangement. Si étrangement que nous manquons de nous prendre un arbre ! Mon cerveau connecte les fils et je repense immédiatement à ce que nous avait raconté Pascal, à Dany et moi, à propos d'un cheval aveugle dont les maîtres n'avaient découvert la cécité que après quelques collisions avec des arbres. Peut-être que mon guide magnétique est aveugle? J'agite la cravache devant ses yeux, elle cligne des paupières. Pas complètement aveugle alors. La jument cherche à marcher tête basse, et elle semble ne rien anticiper dans sa façon d'apréhender le terrain. Tout lui tombe sous les pieds avec fracas, on aurait presque envie de retirer le sol pour faciliter ses déplacements. En revanche, si la vue n'est peut-être pas son fort, elle a l'ouïe fine. Elle repère bien avant moi le cheval de l'amie de Patrice qui vient en sens inverse, puis celui de Patrice un peu plus loin. Elle trie de façon remarquable la tonne d'information auditives qu'elle reçoit et ne réagit qu'aux bruits qui peuvent la concerner. Un tracteur au loin ne suscite pas le moindre mouvement d'oreille alors que le roulis d'un cailloux sur le chemin la fait tressaillir. Son trot est malhabile et quand j'exerce une pression des jambes pour demander l'accélération, elle ralentit. Je lui parle donc beaucoup, et je demande les transitions montantes avec la cravache derrière la jambe de façon phasée. Inutile de demander le galop, je sais qu'elle ne le prendra pas. Si elle pouvait s'enfoncer dans le sol jusqu'au noyau de fer, je crois qu'elle le ferait alors autant dire que galoper sur la surface du globe serait comme demander à un éléphant de monter dans un arbre! Nous progressons donc doucement, au pas ou au trot. Quelques frayeurs de temps en temps, un arbre qui passe un peu près, un virage en dérapage contrôlé. Je ne crois pas qu'elle soit malvoyante, c'est plutôt comme si elle ne savait pas se servir de ses yeux. Je me re-surprend à la penser hongre. Nous cheminons le long de courbes invisibles à mes yeux, et qui ne correspondent sûrement pas au tracé du chemin. La Magnétique a régulièrement de fortes envies de descendre dans le fossé, de partir dans les sous-bois, de continuer dans un champ de broussailles, ce qui m'oblige à rester très vigilante. La nuit tombe vite, si vite que je me laisse surprendre. Lyon scintille au loin. On est bien, là, en retrait de tout ce monde, au crépuscule. Au plus profond de moi, je n'ai pas peur. Je pourrais même rester des heures à contempler ce champ de lumières, au contact des éléments, avec un guide qui s'est trompé d'époque, trompé de corps. Il aurait dû s'incarner en chauve-souris. La raison me rappelle à l'ordre et me dit que c'est dangereux de traîner la nuit, dans les bois, à cheval. Et elle n'a pas complètement tort. Mais avec ou sans lumière, c'est pareil pour une Magnétique.
Nous continuons notre route, abandonnant Lyon pour mieux la retrouver. La jument a dû sentir mon changement d'attitude et la chauve souris déploie ses ailes. C'est l'heure du réveil. Sa lourdeur s'évanouit et l'ombre que nous sommes s'élance à travers les bois, dans un trot aérien, rapide, puissant, déterminé. Plus rien ne compte. Au fur et à mesure que la nuit tombe, mon guide gagne en assurance ce que je perds en audace. N'étant plus apte à assurer notre sécurité, elle semble me dire "laisse moi faire, je vais nous ramener". Et je la laisse faire. Les pieds calés dans les étriers, je prends la position du jockey. Mes genoux amortissent les aspérités du sol. La tête proche de son encolure, fermement agripée à ses crins, je lui cède un peu de ma responsabilité. Nous filons dans la nuit, comme une ombre glisse sur la matière. La cadence est prise, la lune éclaire légèrement le sentier. L'air frais fouette le visage, mes sens sont en ébulition. L'élève a dépassé le maître, je me sens toute petite sur le dos de tant de certitudes. La courbe est déjà toute tracée par notre passage à l'aller, la jument nage maintenant dans son élément. Le tout étant de garder une part de responsabilités et de présence, si je ne veux pas devoir sauter en route avant qu'elle ne rentre directement au pré! Elle m'écoute. Au son de ma voix, les oreilles s'orientent. La route est proche, nous allons devoir repasser au pas. Je me rassois dans la selle, et plante mes talons éthériques dans le sol aussi profond que possible. Pas besoin de plus, les cailloux qui lui font mal aux pieds finissent de convaincre Magnétique de repasser au pas. La route bordée de lampadaires signe la fin de la chevauchée nocturne. A cet instant précis, je réalise que je viens de tremper les lèvres dans un vin nouveau, aux reflets métalliques. Nous rentrons tranquillement aux 7 chemins. Je retrouve Patrice, en train de réparer le licol de Ponette, qui, attachée sur une barre en fer a dû tirer jusqu'à le casser. Le fer, c'est pas son truc à Ponette. Retour au box, j'enlève tout son attirail à mon guide que je bouchonne ensuite. En tendant bien l'oreille, on pourrait presque entendre le frottement de la paille sur le fer. La lumière à redonné à Magnétique sa maladroite lourdeur d'aveugle. Alors, doucement, nous repartons dans l'ombre, et, dans la nuit s'envole la chauve-souris.

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D
<br /> Je découvre encore une fois très émue les talents littéraires de ma fille !!<br /> <br /> <br />
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